L’accordéon boutons en Afrique – Estelle Lannoy
Jouer de l’accordéon en spectacle
Estelle est née de parents musiciens. Son père est carillonneur et sa mère est pianiste accompagnatrice. Elle apprend le piano en conservatoire. Cependant, elle préfère jouer sur les planches du théâtre plutôt que jouer de la musique. “L’étude de la musique classique est lourde et difficile. J’avais envie d’envoyer tout bourlinguer !” se souvient-elle. A l’âge de 17 ans, Estelle participe à une pièce en un acte de Tchekhov qui s’intitule “Sur la grande route”. Dans cette pièce, un des personnages est accordéoniste. Il joue de l’accordéon pendant que d’autres personnages se retrouvent dans un refuge au milieu de la Steppe. “Cet accordéoniste là joue pour réchauffer les cœurs !”. Ainsi pour l’occasion, notre jeune musicienne loue un accordéon dont le clavier a des touches piano.
Par la suite, elle joue de l’accordéon dans certains spectacles de sa compagnie de théâtre. Pour ses 20 ans, Estelle achète son premier accordéon à touches piano. C’est un accordéon Piermaria. “En plus, à l’époque j’habitais à Paris. Ça collait bien, je me sentais bien en tant que Titi Parisienne !” Par ailleurs, “Le Temps des Gitans” d’Emir Kusturica, le groupe Les Négresses Vertes ou encore les pièces composées par Marc Perrone donne envie à Estelle de poursuivre la pratique de l’accordéon.
L’accordéon chromatique : touches piano ou touches boutons
Quelques temps plus tard, Estelle rencontre une professeur d’accordéon nommée Casilda Rodriguez. Ainsi, notre musicienne découvre une autre forme d’accordéon chromatique: l’accordéon à boutons. Ressentant les limites de capacités avec son actuel accordéon, elle décide d’acheter un autre instrument. Cette fois-ci, elle choisit un accordéon Pigini à touches boutons, qu’elle possède toujours aujourd’hui. Dans un premier temps, elle ne joue pas avec les basses chromatiques. “Je me suis tout d’abord acclimaté au clavier bouton, la période de transition a été difficile, ce sont deux instruments différents. Au bout d’un moment je ne savais plus jouer ni de l’un ni de l’autre”. A force de persévérance et de travail, Estelle parvient à savoir jouer de l’accordéon chromatique à touches boutons en autodidacte.
Elle joue à l’accordéon tout ce qui lui vient à l’oreille, des musiques qui lui plaisent et plus particulièrement de la musique populaire. Par ailleurs, elle joue dans divers groupes de musique. Que ce soit avec des tziganes à Bruxelles le dimanche après-midi ou dans les rues en duo avec une amie violoniste.
Puis Estelle intègre une école de théâtre à Bruxelles. L’accordéon est la clé qui lui permet alors d’ouvrir les portes du théâtre et de jouer dans un plus grand nombres de spectacles. “J’étais apprécié pas seulement en tant que comédienne mais en tant que comédienne et musicienne.”
L’accordéon chromatique en Afrique
Par la suite, Estelle part au Kenya, en Afrique pendant 5 ans. Et bien sûr, elle emmène son accordéon chromatique. Il n’y a pas beaucoup d’activités concernant le théâtre, cependant elle rencontre un groupe de musiciens kenyans qui interprète leurs propres compositions, le tout avec des instruments acoustiques. Leurs compositions sont inspirées de styles et influences diverses. Elle intègre alors ce petit groupe de musique nommé Yunasi et ils enregistrent un album.
Concours d’accordéon international
En 2007, lors du concours “The next big thing” organisé pour les 75 ans de la BBC World Service, des fichiers MP3 provenant d’artistes des quatre coins du monde sont récoltés, dont celui des Yunasi :
Il y a en tout 2000 participants de 88 pays différents. Et le premier prix revient à Estelle et son groupe.
Ils jouent alors à Londres pour la soirée d’anniversaire de la BBC World Service en première partie de The Clash. “Un vieux groupe de pop-rock anglais, c’était un peu des dinosaures après nous”.
C’est une expérience incroyable pour ce groupe qui répétait dans les bidonvilles de Nairobi. “On ne s’imaginait pas arriver sur une scène à Londres comme ça”. Puis, le groupe se produit sur diverses scènes, en Australie, en Thaïlande, autour du Kenya et toute la région d’Afrique de l’Est, Tanzanie, Djibouti, Ouganda, etc… “La vie parfois te réserve des surprises”
Par ailleurs, Estelle et d’autres artistes montent une association au Kenya et créent de nombreux projets liés à l’environnement et à l’éducation. L’accordéon a permis à Estelle de s’intégrer, de vivre avec les kenyans et de partager pleins des choses. “J’ai pu vivre mes expériences pleinement sans contrainte, ce qui est génial, je dis toujours que j’ai un peu une vie de princesse”.
Apprendre l’accordéon chromatique en conservatoire
Quelques temps après son retour en France, notre accordéoniste intègre une académie de musique avec le professeur d’accordéon Manu Comté du groupe Soledad.
Encouragé par son nouveau professeur elle intègre le conservatoire de Mons à 39 ans. “C’était le moment ou jamais”. Notre accordéoniste embarque alors pour 5 années d’apprentissage en conservatoire. “Avec un cerveau de 40 ans, tu es un peu plus long et un peu moins souple qu’avant mais tu as un bagage complétement différent”. Ainsi, Estelle redécouvre la musique classique de ses parents qu’elle rejetait jusqu’à présent. A 45 ans, elle obtient son diplôme de fin d’étude (DEM). Cela lui permet, si elle le souhaite, d’être prof dans les écoles de musique.
Découvrez sa dernière œuvre enregistrée en studio avec son amie qui a également été élève au Conservatoire supérieur de Mons :
Stages d’accordéon chromatique
Par la suite, Estelle se détache un peu de son accordéon. Toutefois, elle participe au stage des Laborieux du Dépliant qui lui redonne le sourire et l’envie de jouer. Le stage des Laborieux n’est pas comme les nombreux stages intensifs d’accordéon ou de piano auxquelles Estelle a participé plus jeune. En effet, l’idée n’est pas de travailler seul dans sa chambre pendant toute la journée mais de partager des moments conviviaux et d’apprendre tous ensemble. “Je n’ai plus envie de me mettre de la pression, je veux jouer ce dont j’ai envie, ce qui me fait plaisir, ce qui me fait vibrer. Si un jour j’ai l’énergie et l’envie de travailler une pièce difficile pourquoi pas, mais ce n’est pas une obligation” nous affirme-t-elle.
“Quand tu joues, le plaisir avant tout ! La joie aide à grandir, de même que le soufflet se déploie la personne doit se déployer. L’accordéon est un instrument exigeant, si tu veux vraiment atteindre un certain niveau, il faut passer par la technique. Il n’y a pas de mystère, il faut travailler. Développe ta confiance, c’est important, elle s’acquiert avec des éléments techniques et une bonne pédagogie. Va voir différents professeurs d’accordéons, participe à des stages et des stages comme les Laborieux du Dépliant qui seront plus tourner vers la simplicité, le partage et le plaisir de jouer ensemble sans aucune barrière et sans jugement.”